25/04/2008

Le retour de l'agriculture (responsable ?)


Comme toujours, il aura fallut une crise majeure pour que les responsables politiques s'intéressent à un déséquilibre de plus généré par la globalisation. Sacrifiée sur l'autel des politiques d'ajustement structurel des années 90, l'agriculture revient sur le devant de la scène dans un contexte de crise alimentaire. Négligé par les institutions financières internationales qui pensaient peut-être que la révolution verte en occident avait écarté tout risque de pénurie, le thème de la sécurité alimentaire revient au goût du jour sur fond "d'émeutes de la faim" qui se multiplient.

La Banque Mondiale a consacré son dernier rapport annuel sur le développement mondial à l'agriculture, et un consensus semble émerger pour prendre au moins au sérieux la crise alimentaire qui touche la plupart des pays du Sud, avec ses répercussions au Nord, depuis plus d'un an.

Un débat est même ouvert sur l'importance de l'agriculture vivrière pour assurer la subsistance des populations les plus démunies. Parce qu'elle échappe au circuits commerciaux, elle fut qualifiée de "primitive", et ses partisans "d'ennemis du développement". Mais cela constituerait-il une partie de la réponse à la crise actuelle ? C'est la thèse de Stéphane Hessel (ancien diplomate) et de Robert Lion, respectivement Administrateur et Président de l'ONG Agrisud International. Extrait :

" L'agriculture traditionnelle a en effet largement fait place à des cultures à vocation industrielle (arachide, café, cacao, coton, caoutchouc...) destinées à l'exportation. Notons que l'on n'exporte en général que des produits bruts, sans valeur ajoutée sur place. Cette orientation productiviste, poussée parfois jusqu'à la monoculture pour un même pays, a été appuyée par les bailleurs de fonds, par des politiques de coopération à courte vue, aussi bien que par les gouvernements locaux, toujours friands de grands projets ; à l'origine, et pour sa mise en oeuvre, on trouve de grandes entreprises du Nord, qui en ont tiré de formidables profits. Ce processus est en train de se répéter avec les biocarburants. "

Le rempart de l'agriculture familiale, par Stéphane Hessel et Robert Lion
LE MONDE | 22.04.08


Les "cultures industrielles destinées à l'exportation" en question renvoient évidemment au "roi soja" en Amérique latine. Tout en appauvrissant les sols, en disséminant des cultures OGM sans aucun contrôle, en favorisant la déforestation, en marginalisant les autres cultures (cf. la production bovine en Argentine), ce même soja permet à des pays comme le Brésil, l'Argentine, la Bolivie ou le Paraguay de rembourser leur dette extérieure, grâce aux devises générées par les exportations massives, notamment vers la Chine. Le tout "grâce" aux cours internationaux qui atteignent des sommets depuis plusieurs années. Vous avez dit "contradiction" ?


Photos : Argentine (blé dans la province de Buenos Aires, maïs transgénique exposé à Feriagro dans la province Santé Fé)

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